Astrub

Ce soleil.. Ses rayons touchent mon visage pour la première fois et pourtant j'ai l'impression de le connaître par cœur. 26 degrés, c'est une belle journée mais il faut en profiter, le temps va se gâter dans les alentours de 21h.

Le vent souffle et apporte avec lui une quantité infinie de données aussitôt triées, rangées et interprétées dans mon crâne surchargé de puces techno-magiques.

Je calcule le taux d'humidité des alentours, la masse de sel dans l'air. Je visualise une carte et trait par trait se dessinent les possibilités concernant ma géolocalisation actuelle, recoupant avec logique chaque détail pouvant être utilisé à la tâche. Densité du sol et composants minéraux, espèces vivantes, accents des populations, les poissons servis sur les étalages, la une des journaux..

Astrub... Voilà où je suis. C'est charmant ici !

Je créé un sous-dossier du nom de cette ville dans mes données consacrées aux lieux et j'y enregistre absolument tout ce que je croise sur mon chemin, même les odeurs.

Je n'ai concrètement jamais rien vu d'autre que ce laboratoire. Alors comment ?

Pourquoi est-ce que rien ne m'étonne, pourquoi est-ce que tout est si accessible, si compréhensible ? Il n'y a pas un détail qui ne m'échappe, pas un seul point d'ombre dans ce nouveau contexte que je qualifie de fuite autorisée.

Fuite autorisée .. ?

J'en suis en effet certaine : Ils ne viendront pas me chercher. Les ordres sont d'observer et de surtout n'initier aucun conflit. Et ça aussi d'ailleurs comment je le sais.. ?

J'ai suivi cette femme sans poser la moindre question et sans avoir su répondre à la seule qui demeurait malgré tout.

Quel était mon objectif ? Quel but, à ma création ? Est-ce que maintenant que je suis ici, seule et loin de ces hommes de science.. Un rôle m'est toujours autorisé ?

Deviner que je ne suis pas totalement humaine n'a rien de compliqué, bien que je manque foncièrement de recul encore. Ces capacités.. cette vision.. et puis ma force, non ? Ces morceaux de métal implantés dans ma chair et ces échanges virtuels constants. D'une manière ou d'une autre je suis liée à eux. Pas seulement pour le fait d'être leur invention non, il y a un contact réel.

Je fronce les sourcils, est-ce que je suis un foutu robot ? Des images passent et je me revois massacrer cet homme.

Non attendez, les images repassent réellement !

La marche de la sacrieur passe au ralentit, les flux d'informations alentours freinent leur progression habituelle pour me laisser le temps d'examiner, d'analyser une partie de mes souvenirs qui semble agir comme une simple disquette datée, avec un petit résumé au dos de son contenu.. sur une étiquette de lumière bleue que mes sens acclament et vénèrent furieusement de l'intérieur.

Je suis une robot magicienne .. ? Difficile de ne pas me mettre à rire bêtement tant ça me paraît grossier.

La mise en scène s'installe et je suis spectatrice de mon propre passé d'il y a à peine quatre heures. Sauf que cette fois-ci, je glisse le bout de mes griffes virtuelles sur le décor imaginaire qui s'est fermement implanté.., sur ces personnages inconnus ..

Instinctivement j'entre en interaction avec ma propre conscience et j'ajoute des filtres et des notes à ma guise comme on le ferait sur un plan à étudier, à l'aide d'un peu d'encre et d'une bonne plume de corbac.

Leur nom .. Leur identité .. Capacités .. Menace qu'ils représentent .. Actualité ..

J'échange et communique avec ce que je pourrais qualifier ...d'une interface graphique mémorielle. Oui, c'est bien sa désignation officielle. La 004 plus précisément, les trois versions précédentes n'ont pas cette qualité d'image, ni cette fluidité presque trop réelle..

Une console entièrement consacrée à ma mémoire .. Assez sophistiquée pour me répondre et m'aiguiller dans mes recherches.

Tiens, je perçois des connexions extérieures à cette même console. Est-ce que je suis toujours branchée à cette Tour malgré la destruction du laboratoire ? C'est ça, ce lien ?

- Eh regarde où tu marches l'ecaflip !

Tout s'accélère de nouveau. J'avais bousculé un disciple d'Enutrof aux dents en or. Bordel pourquoi est-ce que je suis en train de calculer le prix en kamas de sa bouche...

- Bah. T'as pas l'air du coin toi.. Elles sont marrantes tes oreilles t'as mis quoi autour c'est une coiffe de steamer .. ? Combien que ça t'a coûté ça ..

- Excusez moi Monsieur Chopkamas.. Je suivais mon amie et je n'ai pas fais attention où …

Merde, Ombrya Shirogane avait disparu. Je ne prête pas attention au papi curieux de savoir comment je peux bien connaître son nom. À vrai dire.. Il est simplement enregistré sur la liste des bénévoles en cuisine de la Milice d'Astrub, où ses deux fils travaillent avec acharnement. C'est sa façon à lui de passer du temps avec eux, depuis que sa femme est morte. Dystrophie musculaire, ils ont bien tenté de supplier le Temple Eniripsa .. Sans succès.

Mais merde Anah reste concentrée !

- Pourriez-vous m'indiquer la direction à prendre pour la Taverne d'Astrub ?

Je retrouverai Ombrya là-bas tôt ou tard. Bien que je ne n'ai noté aucune trace d'alcool dans son organisme qui ne semble tourner qu'à l'eau et à la viande crûe, je sais qu'elle et son petit groupe sont des habitués..

Peut-être qu'ils pourront m'aider ? Et répondre aux questions qui malgré mes capacités de diagnostic et ma base de données richement fournie .. restent opaques.

Plus loin dans mon dos ..

Je sais qu'on me suit.

Il n'y a pas de menace .. Le pas se veut discret. Ce n'est qu'une simple filature.

Êtes-vous si curieux que ça .. De découvrir si oui ou non .. Je suis en mesure de m'adapter à la liberté ?